La perspective yogique nous offre un éclairage fascinant sur l’usage et l’effet de différentes drogues sur le corps humain. Au-delà de l’approche médicale classique, elle permet d’aller plus loin en étudiant également les corps énergétiques et les impacts plus subtils de ces substances.
En tant qu’enseignant·e et pratiquant·e de Kundalini Yoga, nous avons intérêt à mieux connaître ces effets pour garder un regard neutre sur ces substances, et accompagner au mieux les élèves et les proches qui peuvent en faire la demande.
Les informations de cet article proviennent pour la plupart d’une traduction en français du manuel de formation SuperHealth, ainsi que du manuel d’enseignant·e de Kundalini Yoga édité par KRI.
« Les drogues et le Kundalini Yoga ne se mélangent pas«
Lors de l’arrivée aux États-Unis de Yogi Bhajan et du Kundalini Yoga, une part importante des élèves qui viennent aux premiers cours sont consommateurs des différentes substances en vogue dans les années 1960. LSD, marijuana, hallucinogènes et euphorisants divers sont monnaie courante pendant la « révolution hippie ».
Les kriyas et méditations du Kundalini Yoga sont donc particulièrement efficaces pour rééquilibrer l’organisme après l’usage de ces substances, qui modifient parfois en profondeur le système nerveux et endocrinien. Nous allons nous focaliser ici sur les effets de la marijuana, appelée aussi cannabis, et sa molécule psychoactive, le THC, sur le cerveau et le corps humain.
Des effets nombreux et bien connus sur le cerveau
À un niveau physiologique, un des premiers effets après avoir fumé du cannabis est la stimulation des neurones ainsi que la constriction du fluide cérébro-spinal. Cela vient créer une sécheresse importante au niveau du crâne.
Plus précisément, l’activité des neurones s’accélère, notamment à l’endroit à la fonction mémorielle est située, dans l’hippocampe. Au même moment, la colonne vertébrale et le système nerveux deviennent trop relâchés pour fonctionner correctement. Chez certaines personnes, cela donne pour effet l’incapacité de sortir d’une boucle mentale, et les amène à ressasser des pensées encore et encore.
Les recherches médicales ont montré que le corps sous THC produit un neuro-transmetteur endogène, qui a reçu le nom d’anandamide, dérivé du sanskrit ananda, qui signifie entre autres « extase ». L’anandamide, qui régule la production de dopamine, est liée au plaisir, à la motivation, à un appétit décuplé et à la perception du temps. C’est une substance qui est à son comble chez la femme durant l’ovulation, et participe de la bonne implantation de l’embryon dans l’utérus. Enfin, cela a été observé comme un inhibiteur de croissance du cancer du sein.
Comme le THC ressemble à l’anandamide, il se connecte aux mêmes récepteurs neuronaux, perturbant le fonctionnement naturel du cerveau, inhibant la production de GABA (acide γ-aminobutyrique). Une étude utilisant l’imagerie par résonance magnétique a également montré l’impact du THC sur le cervelet, qui régule le rapport au temps.
Subsistant plus de 24 heures dans l’organisme, le tétrahydrocannabinol endommagerait la fonction cardiaque, les poumons et les vaisseaux sanguins. On estime que fumer du cannabis serait 20 fois plus dangereux pour la santé que fumer du tabac.
C’est là un des nombreux effets que provoque les quelques 400 substances contenues dans la plante sur le cerveau. Les émotions, la mémoire, le jugement, la perception, le self-control, la motivation, l’humeur et bien d’autres parties du cerveau vont être affectées par ces produits, notamment la coordination (cerebellum), la mémoire à court terme (via l’hippocampe) et la motricité (ganglions de la base).
La perspective SuperHealth sur la drogue
SuperHealth développe un programme de formation spécifique pour aborder les questions de santé et d’addiction d’un point de vue yogique.
Un des effets décrits par cet organisme quant à l’usage de marijuana est la rupture du lien entre le diaphragme et le système nerveux : le rythme respiratoire est modifié en conséquence. D’où une compression à l’arrière du crâne, comme si un moteur de voiture venait à manquer d’huile.
L’hémisphère droit du cerveau est alors sur-stimulé, causant à un niveau neurologique la diminution forte de la motivation chez la personne, et une déconnexion avec la partie inférieure du système limbique. La tendance à la procrastination (le fait de repousser les choses au lendemain) peut devenir très importante, voire chronique.
Des encéphalogrammes ont permis de visualiser les effets du cannabis sur le cortex cérébral, montrant un déséquilibre entre l’activité cérébrale de l’hémisphère gauche (relié à la conscience, la logique, le langage et les calculs) et l’hémisphère droit (relié à l’inconscient, la créativité et l’intuition).
Cela change l’équilibre du lobe frontal du cerveau et vient donc modifier les schémas de pensées habituels. Normalement, les deux hémisphères du cerveau communiquent à un rythme régulier. Cette communication est plus que nécessaire car elle conditionne notamment notre compréhension de l’environnement et notre capacité à appréhender le monde dans sa totalité.
Créativité, vitalité et Ojas diminués
Cette stimulation du cerveau par les composants de la plante va venir teinter les perceptions et déposer un voile idéaliste sur la réalité. Le consommateur peut devenir distrait, vivre dans un état de rêve semi-éveillé, une léthargie diffuse, et peu à peu cesser de comporter de façon responsable dans le monde. Un des effets fréquemment observé est que l’accès à la créativité et même parfois à la méditation devient impossible sans l’usage de cette drogue. Cela est dû à une discontinuité quasi totale entre l’état « high » et l’état sobre.
Le fluide vital désigné en Ayurveda sous le nom d’Ojas, qui correspond à un ensemble de fluides corporels qui circulent en permanence dans l’organisme (le sang, la lymphe, et le liquide cérébro-spinal) est directement affecté par la consommation de cannabis. En effet, il interfère avec la vitalité du système nerveux central en touchant deux composants : le cerveau et la colonne vertébrale.
L’Ayurveda considère que l’usage du cannabis déséquilibre les doshas, accentue rajas et tamas et génère de l’ama (du mucus) dans l’organisme, perturbant le feu digestif, les capacités intellectuelles et notamment le niveau de testostérone chez l’homme.
La vitalité globale de l’individu et sa présence d’esprit dépendent fortement de la bonne circulation du liquide cérébro-spinal dans la colonne qui vient distribuer les nutriments essentiels au bon fonctionnement du cerveau. Ralentie par le THC qui circule dans le sang, cette circulation ne permet plus un plein usage des capacités motrices et cognitives.
L’organisme privé de son fluide vital
Avec la marijuana, ce fluide vital essentiel est absorbé dans les cellules, ce qui cause une expansion de conscience temporaire. Mais cela déséquilibre aussi le système nerveux à mesure que le liquide cérébro-spinal ne peut plus se régénérer assez vite pour compenser la vitalité perdue des cellules du cerveau. Celles-ci se retrouvent privées d’ojas et s’assèchent rapidement, faute d’un approvisionnement en fluides suffisant.
À terme, les dommages causés sur la matière grise sont importants, diminuant la capacité à traiter les informations venant des organes et de l’environnement extérieur. Une des parties les plus affectées est le bulbe rachidien, à la jonction entre le cerveau et la colonne vertébrale qui contrôle entre autres la respiration pulmonaire et la circulation sanguine.
Dissociation mentale, irritation et dualité
À un niveau psychologique, il est fréquent d’observer chez les consommateur·ices de longue date des troubles de la personnalité. Un terrain à tendance schizophrène peut s’aggraver sous les effets d’une consommation régulière.
Le principal impact psychologique de la marijuana sur l’humain qui la consomme est de causer une rupture, une dualité fondamentale entre le corps, l’esprit et l’âme. L’esprit expérimente un sentiment d’expansion illusoire, pendant que le corps en est déconnecté et continue d’être affecté par l’espace et le temps qui s’écoule. On pense toucher à l’unité et l’harmonie, pour mieux retomber lorsque les effets se dissipent.
Le fantasme ou la paranoïa peuvent alors se développer et aller jusqu’à la création mentale d’une réalité parallèle plus acceptable, déconnectée de l’environnement direct et des sensations physiques tangibles. Selon une étude publiée en 2014 par Daniel Freeman du département de psychiatrie de l’Université d’Oxford, la consommation de THC entraînerait des pensées paranoïaques, mais aussi anxiété, inquiétude, humeur dépressive, pensées négatives sur soi.
Cette dualité plus ou moins exacerbée est vécue comme une tension à contenir par le système nerveux, qui va devoir travailler pour maintenir ensemble les différentes parties qui se sont créées dans l’esprit de la personne concernée. Des réactions d’irritation et d’impatience quant à la réalité peuvent apparaître, et donner envie de consommer davantage pour régler le problème en arrivant à un état où plus rien n’a d’importance.
Remèdes yogiques & kriyas spécifiques
En plus de décrire précisément les effets des drogues sur le corps et le cerveau humain, la technologie yogique nous propose des remèdes adaptés pour réduire ces effets à long terme, nettoyer et régénérer l’organisme. En effet, des études ont démontré que le sang des consommateurs·ices de cannabis présente une concentration diminuée d’antioxydants et de nutriments.
Note : les remèdes proposés ici ne doivent pas arrêter ou venir interférer avec un traitement médical en cours. Ces outils yogiques sont complémentaires à la médecine allopathique, ils ne remplacent pas l’avis d’un·e médecin agréé·e.
De plus, l’efficacité d’un remède dépend de la constitution de la personne et de sa vitalité au moment où elle le prend. Soyez à l’écoute des signaux du corps si vous commencez une diète ou un régime particulier.
Voici quelques conseils yogiques pour rééquilibrer l’organisme :
– Consommer du jus frais de betteraves (riche en vitamine B, manganèse et potassium) avec du jus de pommes, mélangés à un peu d’eau. À boire lentement.
– Préparer une infusion de basilic et de fenouil, pour renforcer le système nerveux et réguler la température de l’organisme.
– Suivre une mono-diète de bananes : 3 bananes par repas, 3 fois par jour, pendant 3 jours.
– Avec chaque repas, manger une graine de cardamome crue riche en fer et en manganèse pour soutenir le métabolisme cellulaire et éliminer les restes de THC du cerveau.
– Le matin, consommer des amandes préalablement trempées (au minimum six) en enlevant la peau, pour régénérer les réserves d’Ojas.
Il est intéressant d’ajouter qu’un des usages bénéfiques qui peut être fait de la marijuana est la consommation de ses feuilles réduites en jus et mélangées avec du lait et des amandes. Cela peut soulager les douleurs liées aux problèmes digestifs.
Sur le plan des pratiques yogiques, vous trouverez ci-dessous un kriya et une méditation spécifique.
- Kriya pour le champ magnétique et le centre du coeur : une série très complète issue du manuel de niveau 1 qui vient travailler fortement sur la circulation du liquide cérébro-spinal avec un usage régulier de la respiration du feu. Celle-ci vient nettoyer le sang de ses déchets et rétablir le flux de nutriments, d’oxygène et de fluides vitaux vers le cerveau. 45-60 min.
- Maha Agni Pranayam : enseigné spécifiquement pour dégager le cerveau du brouillard créé par l’usage de cannabis, ce pranayam cible la base du crâne pour dissiper la tension évoquée plus haut dans l’article. 11-31 min.
Aller plus loin : la perspective ayurvédique
L’Ayurveda propose des éclairages nombreux et passionants sur l’impact de l’usage de cannabis sur les doshas (« humeurs » responsables des processus physiologiques et psychologiques) selon la constitution de l’individu.
Les textes ayurvédiques décrivent la marijuana utilisée comme médicament comme un « nectar », mais utilisée à des fins récréatives comme un « poison ». Et des recherches récentes montrent que la marijuana présente d’innombrables avantages médicinaux pour ceux qui souffrent de douleurs chroniques, qui suivent une chimiothérapie et d’autres traitements contre le cancer, entre autres utilisations.
Mais la consommation devient problématique lorsqu’elle accentue le tamas, qualité léthargique et lourde qui vient anesthésier les perceptions et peut dissimuler dépressions et angoisses. En créant un faux sentiment de sécurité et une vraie dépendance, le cannabis contribue à alourdir l’esprit en le plongeant dans un brouillard de plus en plus dense.
Lire l’article (en anglais) :
https://www.yogajournal.com/lifestyle/ayurvedic-perspective-on-mixing-marijuana-and-asana